Mohandas Karamchand Gandhi
(02-10-1869 - 30-01-1948)
Homme politique de l’Inde et guide spirituel universel, Gandhi se vit tôt attribuer le nom honorifique de Mahatma qui signifie « grande âme » en raison de son
combat passionné et ascétique au service de la libération des opprimés en Inde. Profondément religieux, de formation juridique et fils d’un ministre du Porbandar indien, Gandhi fut d’une
honnêteté intellectuelle exemplaire, il mena jusqu’à la victoire la lutte pour l’indépendance de l’Inde en utilisant comme armes conceptuelles révolutionnaires la résistance passive et la
désobéissance civile, ce qui lui valut d’être emprisonné à plusieurs reprises et pendant plusieurs années, mais chaque fois gracié, sous la pression de l’opinion publique qui avait fait de lui
une icône dès 1921, l’année où il avait appelé ses concitoyens à tisser eux-mêmes leurs vêtements afin de boycotter l’industrie textile britannique. Son autobiographie ainsi que ses
nombreux écrits témoignent de l’engagement pacifique du combattant non violent que fut Gandhi, vénéré comme un saint dans son pays, mais non incontesté comme tout grand meneur d’hommes se
heurtant aux limites de l’entendement et de la logique humaines en les dévoilant malgré lui. Mais nous pouvons nous apercevoir qu’il n’en était pas dupe quand nous réfléchissons à des
phrases sorties de sa plume comme celles-ci:
« Sans le sens de l’humour je me serais suicidé depuis longtemps.
L’évolution de la démocratie sera impossible tant que nous ne sommes pas préparés à écouter
la partie adverse.
La vérité et la non-violence ne peuvent être détruites.
Je suis prêt à mourir, mais il n’y a aucune cause pour laquelle je suis prêt à tuer. »
Parmi ses moyens d’action en prison, le jeûne - qui deviendra plus tard la grève de la faim - occupe une place prépondérante et il l’utilisera maintes
et maintes fois pour confronter les autorités du moment à ses exigences, que ce soit contre les projets britanniques ou en faveur des « intouchables » parmi les hindous. Ses
détracteurs tentèrent de dénigrer ses longs jeûnes de protestation comme du chantage mais ils ne pouvaient prendre le risque de se mettre la population d’un continent à dos pour qui Gandhi était
devenu l’unique rayon d’espoir d’une vie meilleure et plus digne. Bien qu’il jeûnât encore pour intercéder dans la dissension grandissante entre hindous et musulmans, il dut assister
impuissant à la séparation du Pakistan majoritairement musulman d’avec l’Inde. Cette division meurtrit Gandhi profondément car il était persuadé que tous les hommes sont frères. Pour
lui, l’unicité de Dieu se manifestait sous les multiples facettes des religions, toutes également respectables et de valeur incommensurable. Dans sa pensée, les conceptions orientales
et occidentales se mélangeaient autour de valeurs comme la fraternité, l’honnêteté, l’interdépendance, le respect devant le vivant, la foi en la puissance supérieure de la non
violence et du pardon, la justice dans les échanges. Ainsi disait-il que
« La faiblesse ne peut pardonner, le pardon est le privilège du
fort.
Toutes vos études seront inutiles si vous ne construisez pas en même temps vot re caractère et
n’atteignez la maîtrise de vos pensées et de vos actions.
La désobéissance civile présuppose le plein consentement aux règles qu’on s’est
imposées soi-même, car sans cela la désobéissance civile ne serait qu’une cruelle farce.
Dans le monde il n’y a pas de force plus subtile que celle de l’amour.
La paix ne résultera point du choque des armes mais de la justice vécue et exercée au
milieu de l’adversité par des nations qui n’ont pas besoin d’armes. «
Tout comme Jean Jaurès, reprenant les idées économiques de John Ruskin, premier économiste social, Gandhi critiquait sévèrement le système économique basé sur la
loi du marché et la mise en équation des forces humaines à la manière de robots ou d’animaux, il dénonçait dès 1910 la production industrielle de richesses inéquitablement partagées
:
« Les capitalistes des temps modernes sont responsables de la large
propagation des guerres injustes dont l’avidité de l’humanité est l’origine.
C’est le privilège des poissons, des rats et des loups, de vivre suivant les lois
de l’offre et de la demande. Mais c’est la distinction de
l’humanité de vivre suivant celles du droit. «
C’est pourquoi il menait une vie d’ascète et préconisait un mode de vie simple exprimé dans ces deux maximes célèbres :
« Vivons tous simplement afin que tous puissent simplement vivre.
Sois toi-même le changement que tu veux voir advenir dans le
monde.
On devient riche par les choses qu’on ne désire pas. »
Pour Gandhi, l’énergie de l’individu ne se réduisait pas à la somme de ses forces physiques, pour lui c’est l’âme qui est la véritable «puissance motrice" de
la créativité humaine et son efficacité ne peut pas être calculée d’avance, car elle s’ancre profondément dans l’affectivité, source énergétique mystérieuse inépuisable, à la manière de l’amour
:
« La force de la non violence est infiniment plus merveilleuse et
subtile que les forces physiques dans la nature comme l’électricité.
Œil pour œil, dent pour dent, avec de tels principes le monde
entier finira par devenir aveugle.
Là où progresse l’amour , la vie
s’épanouit -
là où apparaît la
haine la destruction menace.
Gandhi voyait dans les appétits monstrueux de domination et de richesses, à savoir dans la cupidité humaine, la plus grand menace pour la paix et le vivre ensemble.
Aussi enseignait-il la maîtrise, le contrôle de soi et des passions; rien de nouveau en somme si vous relisez les moralistes ou Platon ou Socrate ou Jésus qu’il avait tous étudiés
et auxquels il a rendu hommage dans ses écrits. Il reprochait beaucoup à l’Occident de ne pas être à la hauteur des valeurs que ses plus grands penseurs ont proclamées
comme indispensables à une vie humaine digne et belle, mais il reprochait de la même façon aux Indiens de devoir leur servitude à la corruption de leurs propres mœurs.
Ce que nous pouvons apprendre de Gandhi, c’est son inébranlable foi en la voix intérieure de l’homme que nous devons apprendre à écouter et à suivre pour réaliser
l’harmonie et la paix en et autour de nous . Cette voix étant l’expression même du divin ou de Dieu , elle se confond pour Gandhi avec la vérité :
« Cherchez d ‘abord la vérité - et la beauté et le bien
s’attacheront d’eux-mêmes à
vous.
C’est ma propre exigence pour la
vérité
qui m'a enseigné la beauté du compromis."